* Etymologie latine :
individuum, désignant ce qui est indivisible (individua : substances spirituelles ; dividua : substances corporelles).
- Chez Aristote, c'est "l'atomon" désignant les termes et les objets.
- Chez les médiévaux, cela désigne ce qui n'est plus susceptible de division au sein d'une espèce (dans une série hiérarchique).
- Chez Ockam, cela désigne
. Ce qui est numériquement un.
. Toute chose hors de l'esprit (à condition qu'elle soit numériquement une et aussi qu'elle ne soit pas signe d'autre chose de substantiel).
. Le signe (nom) propre d'une chose.
*
L'universel est-il individuum s'il n'est qu'une qualité d'esprit ? Le
problème est soulevé par les réalistes (XIV et XV siècles) : apparente
contradiction de l'universel qui est singulier.
- Si l'individu est incommunicable dans son individuation, alors Dieu connaît-il les individus dans leur individuation ? (la réponse négative fut condamnée deux fois à Paris en 1270 et 1277).
Arguments :
1). Le singulier n'est connu que par les sens si la matière est le principe d'individuation.
2). Les singuliers périssent.
En conséquence, s'ils périssent, ils ne sont plus perçus. S'ils l'étaient avant, alors la connaissance divine serait variable.
Conflit entre intellection directe ou indirecte de l'individuel.
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L'individu désigne une réalité comme :
- Indivisible.
- Différente (unicité).
- Son unicité est assurée par son indivisibilité, ainsi que par un principe de fonctionnement.* Problèmes :
1).
Nature du principe d'individuation ? (individuation = discernabilité ?)
2).
Ontologie.
- Les
réalités ultimes/élémentaires sont-elles de type individuel (conceptualisme/nominalisme en théorie de la connaissance) ou sont-elles non individuées (Idées platoniciennes) ?
3).
Epistémologie.
-
Connaître/expliquer, c'est généraliser et
réduire à l'identique.
L'individu n'est-il pas alors à la
limite de la connaissance scientifique et rationnelle ?*
Fin XVIIIème, entrée de l'individu (non plus de l'espèce)
dans le savoir (description singulière) - la remarque est de
Foucault.
-
L'individu en tant que
particulier est
susceptible de classification et de savoir, et en tant que
singulier, il ne l'est pas.
Selon
Foucault, le problème est que
les Modernes constituent l'individu comme un "effet et objet" de savoir et de pouvoir (ce qui est contraire à la question kantienne "Qu'est-ce que l'homme ?").
* Chez
Aristote et Thomas, le
singulier est l'accident séparable (couleur de peau)
ou inséparable (naître homme ou femme) : l'individuation se rapportait à la matière. Mais
la définition essentielle (sa forme) se trouvait dans la différence spécifique de l'espèce (fait d'être doué de raison).
*
Leibniz assimile individu et espèce, il
place le singulier/contingent dans l'ordre du singulier/nécessaire en le définissant comme possible : annexion de l'existence par l'essence (
pour un entendement divin, il est dans l'essence de César de franchir le rubicon).
Kant montre que
l'existence n'est pas un prédicat du concept d'une chose (elle appartient à la position de cette chose) : la
logique moderne retiendra cela en introduisant la notion de
quantificateur existentiel.
*
Rousseau, lui, est
attentif à la diversité historique et géographique (
prise en compte du lieu et du temps) et annonce ainsi l'
existentialisme.
- Il est contemporain des naturalistes (fin XVII) qui rompent avec les classifications de l'aristotélisme.
La découverte de la singularité oblige à critiquer la référence générale antérieure.
*
Canguilhem souligne la
"fonction épistémologique du singulier", ce qui se retrouvera dans les philosophies de l'histoire du XIX siècle.
* Tout ceci aboutira ensuite à la
compréhension d'un universel en mouvement au sein duquel l'individu n'échappe plus/pas à son statut d'accident :
-
Hegel, pour qui il faut
comprendre et se mettre au service du mouvement de l'Histoire pour gagner sa singularité (dépassant le particulier) ; mais aussi Marx ou Platon.
* Kierkegaard/Nietzsche/Popper/
anti-historicisme moderne (contre la résorption totaliste ou holiste de l'individu) critiquent Hegel.
- Prônent un
individualisme méthodologique ("réduire tous les phénomènes collectifs aux actions, interactions, buts, espoirs et pensées des individus", Popper) dont le
risque est de
déduire tout le social d'un individu "naturel"/pré-conçu ; ce que Macpherson nomme
l'individualisme possessif (Smith, Bentham, Locke, Hobbes...).
* Le ballottement individu/société est-il légitime ? Peut-on les séparer ?
Décrire l'individu, n'est-ce pas le rapporter à un ordre de généralité, d'en faire l'élément de quelque chose ? D'une classe ?
* Apport de la
logique avec la
quantification du singulier et la
théorie des descriptions finies :
- Une
proposition peut être "à la fois singulière (porter sur un individu) et générale (ne faire appel qu'à des concepts)" (Blanché).
- Tous
les termes singuliers deviennent "superflus" (Quine) : il s'agit de
rendre possible la désignation/identification sans recourir à des "présupposés d'existence" (Pariente).
Néanmoins,
les noms propres/indicateurs manifestent et renvoient à une référence et une énonciation, mettant ainsi l'accent sur une situation et non uniquement à une classement ou une spécification (le processus de nomination à un sens).
* Les
interrogations philosophiques actuelles se montrent surtout
attentives au traitement du singulier :
- Déploiement des différences pour les assujettir (Foucault) ?
- L'idéologie "interpelle les individus en sujets" mais la sujétion est le lieu à la fois d'une reconnaissance et d'une méconnaissance, ce qui donne naissance à des bévues et des idées nouvelles (Althusser).
-
L'ipséité (singularité véritable qui n'est pas l'identité renvoyant à du même) est irréductible au concept mais pas à l'éthique (Levinas, Ricoeur).
*
Aristote dégage
3 principes :
- Matière.
- Forme.
- Privation déterminée.
. L'existence d'un principe d'individuation s'accompagne d'une théorie de la connaissance dont l'objet est la saisie d'un invariant ontologique (l'universalité de la forme).
.
L'individu (dans son principe d'individuation) devient dans la théorie d'Aristote le
lieu d'opacité ou de négativité du réel (puisqu'on ne peut connaître que le général invariable et que la matière est à la source du principe d'individuation qui varie),
ne permettant l'actuation de la forme (Forme) que dans la mort.
*
Thomas d'Aquin :
- C'est la
quantification rigoureuse de la matière qui conditionne le principe d'individuation (système
hylémorphique).
- Deux systèmes métaphysiques sont chez lui en
contradiction :
. Dans celui de l'hylémorphisme,
l'individuation de la substance prend du temps (car la matière résiste à la structuration de l'être par la forme).
. Dans la métaphysique de l'être,
l'individuation est immédiate.
- Postule une
connaissance intellectuelle indirecte de l'individu par une conversion de l'intelligence aux phantasmes de l'imagination.
*
Leibniz :
- Veut saisir l'individu par-delà les binômes métaphysiques (matière/forme ; être/essence...).
-
Seul l'individu est de droit totalement translucide à l'intelligence.
- Mais il est
impossible de penser le composé concret et doit considérer que les rapports concrets entre les monades leurs sont extérieurs.